B.a-ba, Camila Oliveira Fairclough, Galerie Emmanuel Hervé, 2016

"Qu’est-ce qu’une recherche? Pour le savoir, il faudrait avoir quelque idée de ce qu’est un résultat. ? Qu’est-ce qu’on trouve ? Qu’est-ce qu’on veut trouver ? Qu’est-ce qui manque ? Dans quel champ axiomatique le fait dégagé, le sens mis au jour, la découverte statistique seront-il placés ? Cela dépend sans doute chaque fois de la science sollicitée ?" (1)

B.a-Ba. Un ravissement de la langue se produit lors de sa prononciation. Existant sous diverses écritures, il apparaît par la succession d’Alpha et Bêta (issus de l’alphabet grec) et signifie à la fois l’apprentissage d’une langue ou d’un domaine mais aussi l’ensemble de ses connaissances primaires. Un élémentaire système dont l’équivalent anglophone n’est autre qu’abc. Trois simples graphèmes et voilà que se dessine aussitôt une initiation au langage ou plutôt une invitation à dériver vers un certain méta-langage. A, Acrylique, Ananas, Always on time, B, Baci, Banana, C, Chloé, Lemon, Oui, Non, Kiss Kiss. Des peintures signalées par un nom - à ne pas confondre avec un titre - parfois même habités par un seul signe. B.a-Ba développe cet abécédarium de personnages, de possibles, cette variation naissante, ce vivarium de canvas(es). Aujourd’hui, ces principes premiers de l’alphabet (romain) se retrouvent surplombés d’un palmier et juxtaposé à un monochrome noir. Alors que signifie ce dialogue ? Est-ce un clin d’oeil aux intrus formant ABC - ABC images (1974), une oeuvre de Marcel Broodthaers associant ce trio lettré à une série d’images extraites d’un alphabet d’écolier, un rébus à vocation éducatif répétant inlassablement différents algorithmes ? Dans l’oeuvre de Camila Oliveira Fairclough, les lettres sont avant tout des formes et possèdent leurs propres dessins, l’alphabet serait ainsi une banale proposition de classement, un ordre privé de sens, le degré zéro de l’ordre. Un système (trop) normatif dont les premières lettres semblent tant appeler que symboliser toutes les suivantes. Abc etcetera. Et si répéter, répliquer pouvait être le secret de l’apprentissage ? Ainsi, savoir-faire serait aussi bien savoir-écrire que reproduire et assimiler ce geste, le réitérer, le repeindre à la lettre.

Temple légendaire de l’enseignement artistique : au Bauhaus furent dispensés en 1923 les cours « Analyse et conception de la couleur » de Wassily Kandinsky dans lequel ses chanceux étudiants recevaient un test consistant à associer trois formes primaires parmi lesquelles un triangle, un rond et un carré aux trois couleurs bleu, jaune, rouge. Chaque figure devait être entièrement et monochromatiquement recouverte et ce choix si possible dûment justifié.2 Des chromies similaires recouvrent à présent les murs de la galerie et délimitent les contours de certains nouveaux caractères ponctuant l’exposition. Des couleurs indivisibles, véritables néo-outils pour assimiler la parole tout autant que la peinture ! Vous l’aurez compris, la réponse est loin d’être unique et c’est également ce message, code, infini(s) auquel l’artiste fait référence aujourd’hui, cette primeur de la recherche.

1. « Le bruissement de la langue », La recherche, Roland Barthes, Essai critiques IV, p. 374, Editions du Seuil.
2. Bauhaus-Archiv, Berlin.

/

“What is a research? Answering to this question would imply having some notion of what a result is. What is found? What is to be found? What is missing? In which axiomatic field the noted fact, the highlighted significance, the discoveries, will be statistically filed? This is likely to depend upon the science being solicited.” (1)

B.a-Ba: a language delight to utter. Coming in various forms of writing, it is the Alpha and the Beta of the Greek alphabet, and means learning a language or a domain, but also refers to basic knowledge. An elementary system with an Anglophone equivalent: abc, three simple graphemes for an initiation to language, or rather, an invitation to drift into a form of meta-language. A, Acrylic, Ananas, Always on time, B, Baci, Banana, C, Chloe, Lemon, Yes, No, Kiss Kiss. Paintings reported by a term – not to be mistaken for a title – sometimes even inhabited by a single sign. B.a-Ba develops an abecedarium of characters, of possibles, a newborn variation, a vivarium of canvas(es). Today, the fundamental principles of the (Roman) alphabet are towered by a palm tree and juxtaposed to monochrome black. So, what is this dialogue about? Is it a nod to the intruders forming ABC – ABC images (1974), an artwork by Marcel Broodthaers associating the trio of letters to a series of images taken from a school alphabet – a rebus with an educational purpose ceaselessly repeating various algorithms? In Camilla Oliveira Fairclough’s practice, letters are essentially shapes, with their own design, and the alphabet becomes a basic proposal for ordering, meaningless order, and the degree zero of order. A(n) (overly) normative system whose first letters seem to call for the next ones as much as they symbolize them. Abc etcetera. What if repeating, replicating, was the secret for learning? Hence, knowing-how-to could be knowing-how-to-write as much as to reproduce and assimilate the gesture, reiterating it, repainting it to the letter.

In 1923, at the legendary Bauhaus temple for art education, Wassily Kandinsky gave a lecture entitled, “Analysis and Conception of Color”2 , during which his lucky students took a test in which three primary shapes, a triangle, a circle and a square, were to be associated to the colors blue, yellow and red. Each figure had to be entirely and monochromatically filled, and the outcome, when possible, justified. Similar colors now cover the walls of the gallery; they outline new characters that punctuate the exhibition. Inseparable colors, as true neo-tools to assimilate words as much as painting! Clearly, there must be other possible responses, and such is also the message, code, infinite(s) to which the artist is actually referring to, the novelty of research.

1. “The Rustle of language”, Roland Barthes (critical essays 1952-1959).
2. Bauhaus-Archiv, Berlin, Germany.